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Le personnalisme d'Alexandre Marc

di Michel Albert - 20/12/2006

Fonte: profed

 



Alexandre Marc avait atteint le grand âge. Il vient de nous quitter au moment où le témoignage central de sa vie éclaire, mieux que jamais, le dilemme fondamental de la France et de l'Europe face au XXIè siècle.
Né à Odessa, ce fils de banquier russe était lycéen à Moscou quand la révolution d'Octobre éclata. A quinze ans, rédacteur d'un journal engagé pour la démocratie mais opposé au marxisme, il faillit être fusillé deux fois. Arrivé en France avec ses parents, il fait des études de droit et de sciences politiques à Paris, ensuite de philosophie à Fribourg avec Husserl.
Déjà, au début des années 30, ce juif russe, discrètement converti au catholicisme, comptait parmi les plus fortes personnalités intellectuelles d'Europe, et l'Union fédérale de l'Europe était son dessein vital. C'est ainsi qu'il se rendit un jour à Cologne, pour en rencontrer le maire, un certain Conrad Adenauer, et lui exposer sa vision d'avenir ; telle était sa capacité de conviction d'Alexandre Marc que le futur chancelier de la République fédérale devînt bientôt son disciple. A la même époque, Alexandre Marc devenait cofondateur du mouvement personnaliste et de la revue Esprit, dirigée par Emmanuel Mounier.
On a peine à imaginer aujourd'hui le rayonnement international que devaient atteindre en quelques années la revue Esprit et le mouvement personnaliste, qui, face au double totalitarisme de l'Union soviétique et de l'Allemagne nazie, s'affirmait dans une double opposition au collectivisme et à l'individualisme.
Toute sa vie, Alexandre Marc fut le prophète lumineux et véhément d'une pensée dressée contre les excès du libéralisme économique, du marxisme et des nationalismes. Cette pensée personnaliste amena Alexandre Marc à promouvoir infatigablement la reconnaissance de la "pluri-appartenance" de l'homme. Chacun de nous, pour se réaliser pleinement, doit appartenir à de multiples communautés, à commencer par la famille. La dialectique du respect des identités avec la construction progressive d'une unité planétaire est au cœur de cette vision, plus actuelle aujourd'hui que jamais.
Après la guerre et la résistance, au lendemain de l'échec de la CNED, en 1954, il s'établit à Nice, où il fonda le Centre international de formation européenne (Cife), qui attire des professeurs et des étudiants de plus de vingt nationalités et dispense, à partir de Nice, ses enseignements dans de nombreux pays d'Europe, et notamment dans de nombreux pays de l'Est. C'est d'ailleurs dans ce dessein qu'Alexandre Marc a choisi comme directeur de cet institut un ancien prince tchèque devenu citoyen allemand, Ferdinand Kinsky, dont la seule carrière, commencée dans les persécutions soviétiques, est une illustration des visions prophétiques d'Alexandre Marc.
Le collège des présidents et anciens présidents d'honneur du Cife réunit, aux côtés de Jacques Delors et de Simone Weil, les plus illustres représentants de la construction européenne tels que Walter Hallstein, Sicco Mansholt, Jean Monnet, Robert Schuman et Paul-Henri Spaak. Aujourd'hui, une nouvelle conférence intergouvernementale (CIG) devrait pourvoir à l'adaptation des institutions européennes, rendue nécessaire par l'élargissement de l'Union.
Quelle est, dans ces conditions, la question cruciale pour l'Europe ? De deux choses l'une : ou bien cet élargissement entraînera un ramollissement des capacités de décision qui débouchera sur un capitalisme sans loi, des résurgences nationalistes dont Jörg Haider donne peut-être l'avant-goût ; ou bien, suivant les préceptes d'Alexandre Marc, l'Europe politique accèdera à l'existence par la fédération de ses Etats la décentralisation de ses pouvoirs et la reconnaissance généreuse des particularités, des personnalités locales et sociales de toute nature. Telle est, me semble-t-il, la pensée testamentaire que nous laisse ce maître en humanité.


Articolo apparso su Le Figaro del 2 marzo 2000